Eupholise

Histoire courte sur un·e marginal·e

Partir en expédition à l’extérieur du village était devenu une habitude. Un sac à dos bien rempli avec de quoi manger le midi et des papier et crayons pour essayer de faire une carte. Des fois, je me demandais vraiment pourquoi personne au village ne s’intéressait au reste de la caverne. Ils vivaient là, se cantonnant dans les quelques maisons de leur communauté, les élevages de champignons et de mousse et des chemins tout tracés à travers ce labyrinthe souterrain pour rejoindre les autres villages et faire du commerce. Personne sauf moi ne ressentait le besoin d’aller voir au delà. Bon évidemment, si les autres étaient plus gentils avec moi, j’aurais peu être pu plus vouloir de leur compagnie. Mais mes records de tronquage de champignons et de suffocage de mousse avait fini de me mettre tout le monde à dos. Bah ! Je m’en fou ! Je suis mieux seule qu’avec eux de toute façon.


Les cavernes étaient mystérieuses. Je ne savais jamais à quoi m’attendre et je me perdais souvent dans le dédale de coursives. J’ai envisagé plusieurs fois de partir assez longtemps pour avoir besoin de repos pendant le voyage. Mais dormir dans cette caverne infinie, me faisait encore un peu peur. Et puis je progressait quand même ! Mes cartes étaient de plus en plus fiables et précises, du moins pour moi, et je commençais à me sentir beaucoup plus à l’aise dans cet environnement faussement familier.


Au départ de mon exploration, il a fallut que je trouve mon chemin dans des tunnels assez étroits et allant dans tous les sens. Les couloirs semblaient avoir leur propre vie, se divisant, se recoupant ou se manquant faute d’être à la même hauteur. J’ai marché des heures, pendant des jours dans ses tunnels. J’ai même faillit abandonner mon exploration tant j’avais l’impression de tourner en rond. Mais quelque chose m’attirait. L’espoir de trouver autre chose, derrière cette barrière qui telle des lianes entrelacées m’empêchait d’aller vraiment plus loin. Puis au bout d’un moment, je suis arrivée à un réseau de caverne plus grandes et moins étouffantes. Plus à l’horizontale aussi, sur le même plan quoi. J’ai beaucoup flâné dans cet endroit qui ressemblait au cocon rocheux ou était niché mon village natal, sans en avoir les défauts. C’était vide et propice au repos.


Ce n’est qu’au bout de quelques mois que j’ai commencé à me sentir de nouveau mal à l’aise. J’avais remarqué certains bruits et certaines lumières au comportement légèrement anormal. J’était pourtant sûre d’être la seule être vivante qui ne soit pas une plante. J’avais cherché, pourtant, des signes d’une faune qui est demeurée absente. Peut-être était elle juste insaisissable.


Ce sentiment de léger mal être, me poussa à aller voir encore plus loin. Au final, en sachant où j’allais, il ne me fallait que peu de temps pour arriver à cet endroit. J’ai finalement trouvé un chemin de sortie. Ce schéma s’est répété quelques fois : des coursives étroites et labyrinthiques, puis des endroits plus larges.


Aujourd’hui, je voulais explorer une nouvelle partie. Plus tôt cette semaine je suis tombée sur ce qui semblait être une salle immense. C’est la première fois que je trouvais quelque chose d’aussi grand et j’avais j’avais été intimidée. J’y trouverais peu être un endroit pour dormir en sécurité qui me permette d’explorer encore plus ! Comme cela faisait déjà quelques heures que j’étais partie du village, je ne devrais pas y arriver dans longtemps.


Les parois des cavités ou je me trouvais étaient recouvertes d’une grande variété de plantes. Les champignons gagnaient haut la main le concours de l’espèce la plus répandue cependant. Il y en avait de toutes les tailles et toutes les formes. C’était vraiment une bénédiction pour les humains. Les jeunes enfants savaient repérer lesquels étaient mangeables et comment les préparer dès qu’iels savaient marcher. Il suffisait de ponctionner une partie du champignon pour la griller sur un feu. Cela ne suffisait pas à faire une alimentation complète mais c’était des aliments très riches. Puis le champignon repoussait de plus belle comblant en quelques jours seulement la partie qui lui avait été enlevée. Le chemin déboucha sur un autre, en descente, puis il fallut tourner à droite et remonter un peu, avant de redescendre dans un nouveau tunnel. Heureusement que j’avais ma carte. Bien qu’approximative, elle me permettait de ne plus me perdre dans ces nombreux tunnels.


Après quelques minutes de marche supplémentaires, la cavité se dévoila sous mes yeux. C’était une immense salle, dont je n’arrivais pas a apercevoir les bords tellement la végétation y était abondante. Champignons, mousses, lichen rivalisaient de créativité pour occuper cet immense espace. Proche du plafond qui s’élevait à plusieurs mètres de haut, des petites lumières légèrement bleutées flottaient dans des courant d’air invisibles. L’ambiance était envoûtante… Je pris quelques minutes pour admirer les champignons qui s’enchevêtrent, parfois jusqu’au plafond, les mousses qui créent des patchworks de différentes nuances de bleu, et le lichen légèrement luminescent lui aussi d’un teinte blanche légère et douce.


Reprenant mes esprits, j’entrepris de suivre le mur de gauche. Si j’arrivais à dessiner les contours de la salle, je pourrais mieux en explorer le centre. Je suivis le mur pendants près de deux heures avant de retrouver mon point de départ. La caverne comptait quelques autres voies d’accès, et en faire le tour n’avait pas été chose aisée. J’avais dû à certains moments me tailler un chemin dans la végétation luxuriante. La grotte avait une forme ovale assez parfaite, ce qui était surprenant. J’étais arrivée par un chemin qui débouchait au milieux d’un des sommets de l’ovale. Encore une chose qui me surpris, les autres chemins étaient répartis tout autour à intervalles réguliers. Cette grotte avait presque l’air trop parfaite pour être naturelle.


Maintenant que je savais à peu près la taille de la cavité grâce à la carte que j’ai pu dessiner en chemin, je choisi de couper l’ovale en deux dans son sens le plus long et d’explorer chaque côté séparément après coup. Non loin du chemin par lequel je suis arrivée, semblait se trouver une sorte de trou dans le sol, assez peu profond mais idéal pour y monter un petit campement. C’est décidé ! Le temps filant à toute allure, j’allais rentrer maintenant et revenir pour cette fois m’installer dans cet endroit envoutant et l’explorer sans avoir besoin de rentrer au village pour me reposer. En plus, avec la profusion de champignons, je ne manquerais pas de nourriture.


Le lendemain, je préparais mon voyage. Les autres ne prêtaient pas attention à mes activités et tant mieux. J’avais autre chose à faire que de leur expliquer tout le travail que j’avais accomplis, et de toute façon ça ne les intéressait pas. Je pris de quoi monter un abri et faire un coin cuisine. J’essayais de ne pas trop m’encombrer mais de pouvoir résider longtemps là-bas. Même quand j’aurais fini d’explorer la grotte, je pourrais peut-être en faire la base de mes opérations. La seule chose qui me manquerais serait le papier. Mais je peux en porter beaucoup. le papier de mousse est léger. Heureusement aussi, les matelas de mousse qu’on utilisait étaient facilement transportables en les enroulant sur eux-mêmes. Je pourrais dormir convenablement.


Le jour du départ était arrivé. Je me réveillais avant les autres, pris un petit-déjeuner frugal et après avoir pris mes affaires, je suis m’en suis allée. C’était une sensation bizarre. Les gens du village étaient de plus en plus étrangers pour moi et sûrement moi pour eux. J’espérais retrouver d’autres personnes. La solitude n’était pas tant un problème mais elle pouvait peser à la longue.


Retrouver mon chemin fut un peu plus long cette fois ci. Certains tunnels étaient vraiment tortueux et c’était encore difficile pour moi d’avoir une carte parfaite. De plus, il fallait garder un sens de l’orientation, ce qui était plus que difficile quand tout les paysages étaient assez similaires finalement. C’est au bout de 4 heures que je parvint à ma destination. Je voulais commencer tout de suite l’exploration de cette gigantesque caverne, mais il fallait d’abord que je monte le camp. J’installais d’abord le feu de camp pour me faire un repas. Puis le temps qu’il cuise, j’installais mon matelas, mes affaires et des tissus pour couvrir le tout.


Il était temps. Je venais de finir de manger et je pourrais rester à explorer autant que je voudrais. Je commençais à ressentir beaucoup de satisfaction d’être arrivée jusqu’ici. Je me sentais vraiment mieux en exploratrice qu’en éleveuse de champignons. Evidement, je me sentait un peu perdue et anxieuse. J’étais loin des repères que j’avais toujours connus et j’avais des fois l’impression que les cavernes étaient habitées même si je n’y avait jamais trouvé aucun humain ou animal. Mais ces repères, je n’en voulait plus, ils ne me correspondaient pas et au moins quoi que ce soit qui fasse les bruits et les ombres que j’entends et vois, ils ne me grondent pas ou ne m’excluent pas.


Repenser à ces souvenirs ternirent un peu mon moral. Mais je repris assez vite ma contenance, quand, au détour d’un énorme champignon, je découvris une chose que je n’avais jamais vue. C’était un genre d’arche. La structure était deux fois plus haute que moi et large de presque deux mètres. La matière qui la constituait était bien de la pierre comme celle qui constitue les grottes, mais elle avait pas la même forme. Celle là était jolie et paraissait beaucoup moins naturelle. Elle avait manifestement été coupée en blocs carrés et creusée pour y dessiner des motifs. Je ne savais pas du tout ce qu’il représentaient. Mais l’angoisse repris le dessus. Ces cavernes étaient bien habitées. Je ne savait pas ce qu’il était advenu de celleux qui avaient fait cette arche et cela en était encore plus anxiogène pour moi. Peut-être je n’aurais pas du quitter le village, peut-être cela avait été une erreur de persévérer encore et encore malgré le sentiment de gène et de mal être qui persistaient. Les pensées négatives envahirent mon esprit, une boule se forma dans ma poitrine m’empêchant presque de respirer et je me retrouvais bientôt par terre écrasée par le doute.



Calme toi … Respire … Ferme les yeux … Respire … Fais taire ces pensées … Respire … Calme toi … Respire …



Je restais là les yeux fermés, respirant calmement et profondément et faisant le vide dans mon esprit. Je n’avais pas fait tout ce chemin pour rien. De quoi j’aurais l’air si je revenais au village pour leur dire que finalement je revenais massacrer leur plantations par mon incompétence. J’avais fait tout ce chemin, bravé toutes les galeries labyrinthiques, dessinés des kilomètres de galeries en cartes pour me repérer. Je ne vais pas abandonner maintenant. Il faut que j’aille au bout. Une fois dans ma vie.


Au bout d’un temps, je parvint à me calmer suffisamment pour m’assoir. Respire. Calme toi. Respire. Je me répétait ces mots que mes parents m’avaient appris comme un mantra. Après quelques minutes supplémentaires, je pus reprendre. J’étais un peu ébranlée par ce qui venait de se passer, et j’avais encore beaucoup de doute, mais il fallait avancer. Je ne pouvais plus retourner à ma vie d’avant. Pas après avoir connu la légèreté des derniers jours.


J’ai continué à explorer longtemps après le degrés de fatigue auquel je vais me coucher habituellement. La boule d’angoisse dans ma poitrine n’avait pas disparue et me tenait éveillée. La salle ne contenait pas plus de choses aussi extraordinaires que l’arche. J’avais trouvé deux espèces de lichen supplémentaires, dont une qui luisait d’une lumière similaire aux particules qui flottaient dans la salle.


C’est après assez longtemps pour que je me sois reposée 3 fois, qu’un évènement singulier se produisit. J’avais été observer l’arche plusieurs fois depuis que je l’avait trouvée. Essayant de deviner ce qu’il était advenu de ses constructeurs. Ce n’est qu’en cuisant un repas non loin que les choses changèrent. L’arche semblait répondre au feu. Ou du moins à sa lumière. J’expérimentais alors plusieurs choses avec le feu mais aucun résultat plus concluant ne se produisit. J’ai alors pensé aux lichen. Peut-être que les constructeurs ne connaissaient pas le feu et que c’est la lumière des lichen dont la porte avait besoin. J’en pris un peu et essaya de le mettre au centre de l’arche.


C’est alors que la lumière du lichen se mit à « résonner » avec l’arche. Celle-ci aussi s’enveloppa de cette lumière légèrement bleutée et la lumière se fit de plus en plus intense et blanche. J’était tétanisée de peur. Je n’arrivais plus à penser et regardait, complètement impuissante, le phénomène se produire. Rapidement, je ne vit plus rien que la lumière, puis elle s’estompa. J’étais incrédule. Je n’était plus là ou je me trouvais. Face à moi se trouvait un décors que j’avais du mal à décrire tellement je n’avais jamais rien du de pareil. Des champignons marrons et verts sur le dessus, la genre de mousse par terre était agréable sous mes pieds et plus haute que celle que je connaissais. Le plafond était tout noir parsemé de milliers de petits points blanc de luminosités tous différentes. Un courant d’air chaud m’enveloppa, faisant bouger la partie verte des énormes champignons devant moi.


C’est alors qu’un frisson de bonheur parcouru tout mon corps. Je ne savais pas ce que je cherchais, mais je venais de le trouver. Un sentiment de bien être incroyable m’envahit. Toute la tension, l’angoisse et la peur que j’avais pu ressentir jusque là était partie et je restais dans un état de béatitude. Je me sentais à mon aise dans cet endroit pourtant complètement différent de ce que je connaissais, mais étrangement familier. J’y respirais mieux, et pas seulement parce que la boule se stress était partie. Je restait là des heures, immobile, émerveillée par ce spectacle tout droit sorti de l’irréel. Il y avait même des couleurs que je n’avait jamais vues mais qui me plaisait infiniment plus que celles de là où je venais. C’est dans cet état de béatitude que je me mis à marcher vers des lumières qui semblaient être celles des habitants d’ici.